Le gouaché en joaillerie, un art méconnu

Méconnu, mais pourtant incontournable.
En joaillerie, de nombreuses étapes sont nécessaires à la création d’un bijou. L’étape du gouaché est indispensable car il traduit la vision du créateur avant la réalisation de l’objet final. Véritable fiche technique, il définit avec précision les proportions, les volumes, l’emplacement des pierres précieuses et les ornements qui composeront la pièce finale. Il va servir aussi bien pour le client que pour les artisans impliqués dans le projet : maquettistes, joailliers, gemmologues et sertisseurs.



Quel matériel est utilisé ?
Les supports
Les gouachés sont peints sur un papier de couleur, généralement gris car cette couleur permet de faire ressortir l’éclat et la transparence des pierres et notamment celui du diamant, difficile à mettre en valeur sur un fond blanc.
Le gouacheur peut également réaliser son oeuvre sur du papier calque.






Le choix de la gouache
Parmi les différentes techniques d’illustration, la gouache s’est imposée comme une référence incontournable dans le dessin de bijoux. L’atelier MÄHLER en détaille les raisons : « Plusieurs qualités lui confèrent cette utilisation : c’est une peinture couvrante et opaque, avec une multitude de teintes. Elle résiste bien au rayonnement ultraviolet, ce qui offre une meilleure conservation dans le temps. » ¹
Les gouacheurs utilisent des pinceaux fins ou très fins pour délivrer un travail de haute précision et le plus réaliste possible.

Un processus précis et méticuleux
Il ne suffit pas d’être un artiste de talent pour réaliser des gouachés de joaillerie. En effet, cela nécessite un savoir-faire spécifique et technique, ainsi qu’une grande concentration. Des codes très précis doivent être respectés. La lumière, par exemple, doit toujours venir uniquement du côté supérieur gauche. Le bijou doit également être représenté à échelle réelle.
Le choix des couleurs n’est pas laissé au hasard comme nous indique l’atelier MÄHLER : « Par convention, la couleur or ne vient pas d’un tube de gouache dorée. Elle est créée par des pigments de terres de sienne, d’ocre et de jaune. Au-delà de ces codes, chaque maison a ses propres secrets, comme par exemple, celui de diluer la gouache avec de l’eau gommée. » ¹

Gouacheur, un métier menacé par l’IA ?
On peut se demander légitimement si ce savoir-faire artisanal tend à disparaître à l’ère des logiciels de conception numérique et de l’Intelligence Artificielle.
Estelle Lagarde, artiste et formatrice, rappelle à quel point l’humain reste central dans l’univers du luxe : “On est à fond dans le digital, le numérique, dans l’intelligence artificielle. Et je me dis : « Vous n’avez pas compris. Le luxe, c’est ce qu’il y a de rare. Et aujourd’hui, ce qui commence à être rare, c’est l’être humain. Et je crois que le luxe va être dans l’artisanat.” (interview pour Brut) ²
Elle insiste également sur la dimension émotionnelle du gouaché, qui dépasse la simple fonction technique : « C’est un métier qui a toute son importance dans la Haute Joaillerie, c’est la fiche technique du joaillier. Mais je crois que le vrai luxe aujourd’hui c’est de recevoir de l’émotion. Et le travail fait main le rend bien ! Le bijou est présenté au client de cette manière et l’émotion est bien plus forte ! C’est ce qui fera chavirer son coeur.” (interview pour Collectissim) ³
Un point de vue que partagent Hélène et Jeanne Karpov, illustratrices de renom, qui soulignent la valeur intemporelle de leur pratique : « Dans un monde où l’art se digitalise, nous restons fidèles à la beauté intemporelle de l’illustration à la gouache – notre technique de prédilection – car le luxe est une question de temps, d’émotion et d’authenticité. » ⁴
Et si les outils numériques gagnent du terrain, ils ne suppriment pas pour autant la place du gouaché dans les grandes Maisons de la place Vendôme. Bien au contraire : « Et à l’heure où le dessin assisté par ordinateur s’est largement développé, les gouachés n’ont, pour autant, pas disparu de la place Vendôme. Une fois la pièce achevée, un fac-similé est même offert à l’acquéreur du bijou. L’original étant soigneusement conservé dans les départements d’archives, et parfois même redessiné selon les ultimes modifications des artisans. Histoire de garder un témoignage le plus précis possible de la pièce définitive. » ⁵
Personnalités et talents du dessin de joaillerie
Evoquées précédemment, ces gouacheuses de talent, qui ont collaboré durant des années avec des Maisons de Haute Joaillerie, proposent aujourd’hui des formations pour apprendre l’art du gouaché de bijoux :
- Estelle Lagarde https://www.lagardejewelrydrawing.fr/
- Les soeurs Karpov https://www.theartofthegouache.com/
À côté de ces artistes, certains passionnés jouent un rôle clé dans la préservation de cet art, comme Franck Stefan Stern, collectionneur reconnu, qui possède une impressionnante collection de dessins de joaillerie. Son site est une vraie mine d’or ! https://www.grafische-sammlung-stern.com
Nous vous invitons à lire son interview sur le gemmologue.com où il parle de ses plus belles acquisitions et de sa collaboration avec les musées.


Pourquoi numériser ces dessins et gouachés de joaillerie ?
La joaillerie est un art d’exception où chaque pièce est le fruit d’un savoir-faire unique. Ces dessins, véritables œuvres d’art, sont un témoignage historique et artistique inestimable.
Grâce à la numérisation, les gouachés quittent les tiroirs des archives pour être partagés, étudiés et sublimés dans le cadre de collections, d’expositions ou encore de créations inédites.
En ce moment-même, une exposition Dessins de bijoux au Petit Palais est à découvrir jusqu’au 20 juillet 2025.
Chez TRIBVN Imaging, de nombreuses Maisons de Joaillerie, de Haute Joaillerie et d’Horlogerie nous confient régulièrement la numérisation de leurs archives pour préserver et valoriser cet héritage : parmi nos fidèles clients figurent plusieurs Maisons emblématiques des groupes Richemont, LVMH, Kering, ou encore Swatch Group.
Photo mise à la une : Rouvenat, Léon (1809-1874). Collier. Crayon graphite, encre, lavis d’aquarelle et rehauts de gouache blanche sur papier calque collé sur papier. s.d. . Petit Palais, Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris.
Photo 1 : Rouvenat, Léon (1809-1874). Broche. Crayon graphite, encre, lavis d’aquarelle et rehauts de gouache blanche sur papier calque collé sur papier. s.d. . Petit Palais, Musée des Beaux Arts de la Ville de Paris.
Photo 2 : Anonyme, Broche bouquet, 1927. Graphite et gouache au recto, graphite et encre au verso sur carton gris A. Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris.
Photo 3 : « Planche 42 : collier de chien, peigne ». Dessin de Pouget, 1764. Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Petit Palais.
¹ L’atelier MÄHLER. Le gouaché. https://lateliermahler.com/actualites/le-gouache/ L’atelier MÄHLER PARIS. 1er Septembre 2021.
² C’est mon métier : gouacheuse. Interview d’Estelle Lagarde. https://www.brut.media/fr/videos/culture-lifestyle/arts/c-est-mon-metier-gouacheuse Brut. 31 octobre 2023.
³ Guilhem Merolle. Le Gouaché en Joaillerie avec Estelle Lagarde. https://www.collectissim.com/le-gouache-en-joaillerie/ Collectissim. 20 février 2022.
⁴ Hélène et Jeanne KARPOV https://www.theartofthegouache.com/
⁵ Pauline Castellani. Le « gouaché » : ce précieux dessin de joaillerie. https://www.lefigaro.fr/industrie-mode/le-gouache-ce-precieux-dessin-de-joaillerie-20240524 Le Figaro. 24 mai 2024.